En passant dans la véranda, l’imposant nez du buste de Jean Roulland m’a plusieurs fois inspiré le simple geste de le pincer, voire de le pétrir entre mes doigts.
Après avoir détaillé les traits épurés de cet homme à l’allure triste, mélancolique, un peu sévère ; ainsi que ses ombres et ses lumières, j’ai eu envie d’effleurer les bosses et les reliefs de cette sculpture de bronze au rendu brut, à même la matière.
Apprécier une sculpture, c’est être tactile. S’imprégner des marques du modelage et leur sensualité. c’est aussi se laisser happer par le mystère, se laisser fasciner par la poésie autère de l’oeuvre. Je patientais ainsi en attendant avec curiosité que cet homme d’âge mûr, grave et intriguant me livre ses secrets. Me raconte ses écorchures et ses douleurs ; ses allégresses et ses succès
Il demeurait lèvres closes, figé dans le bronze. Je lui cherchais un passé, un métier, une famille. Je tentais de deviner d’où provenaient les lourdes cernes sous ses yeux, la ride profonde au coin de sa joue droite. Mais il se dressait là, devant moi, muet dans sa solitude, et je ne pouvais percevoir que des bruissements sourds et pressants.
J’avais pourtant l’impression que s’il s’animait, il crierait sans interruption. La clé de ses interrogations et spéculations est cependant accessoire. Les souffrances et les angoisses exprimées dans cette oeuvre intense et tourmentée de Jean Roulland sont universelles.
Anne-Laure CHANEY