Les gravures  de  Naoko Tsurudome  laissent entrevoir un univers poétique, où se croisent et se mêlent  harmonieusement  animaux atypiques  (chameaux,  éléphants, escargots), éléments végétaux luxuriants (branches, feuilles, fleurs) et objets du quotidien inattendus (croissants appétissants,  tasses de café  élégantes ou encore quelques morceaux de sucre épars). Ils intègrent et forment une composition épurée, stylisée, au travers de laquelle la jeune graveuse japonaise  démontre une véritable maîtrise du jeu entre  vide et espace. Elle utilise exclusivement la technique de la gravure à l’eau forte qu’elle décrit à demi mot comme une révélation lors de son arrivée à Paris. Ses couleurs sont souvent douces, délicates, avec  parfois des touches plus vives, disséminées avec parcimonie. Plus rarement, la jeune artiste s’attèle à des compositions en noir et blanc. L’influence des arts et de la civilisation japonaise se devinent dans son travail fin, décalé et plein d’humour, comme le suggère le choix minutieux de certains personnages de son bestiaire (Grenouilles.. )

De sa voix calme et posée, Naoko Tsurudome refuse doucement de donner une interprétation de ses gravures. Il est cependant difficile de ne pas broder des histoires autour des personnages et menus objets, à la manière d’une fable, d’un conte, ou d’un poème à la Prévert. Associés les uns aux les autres, les différents éléments de ses compositions semblent former une symbolique fragile et particulière, propice à la narration et à la dérive de notre imagination.  Les titres emprunts de poésie : «Le temps fouetté», «Entre chien et crabe» ou encore «La noce du renard» ne sont que quelques exemples. Naoko Tsurudome ne se défend  pas de son amour pour la langue française, et de son plaisir à jouer avec ses expressions et ses mot,  pour composer des titres  si évocateurs. En effet,  ils interpellent le spectateur et restent inscrits dans sa mémoire, au même titre que le travail graphique de l’artiste. Mais,  ils constituent également de véritables clés pour entrer dans son œuvre : chacun  trouve une voix d’accès propre, plongeant à la fois dans son quotidien, mais également dans son imaginaire, dans ses rêves.

Naoko Tsurudome préfère cependant évoquer son attirance et son amour pour les formes peuplant son environnement : l’aspect graphique d’une pince de crabe, d’un moule à madeleines, ou encore des bosses d’un chameau. Ces formes interpellent son œil , dans son appartement, dans la rue, dans une exposition..  Elle observe, analyse, puis consigne ces différentes trouvailles visuelles dans des carnets de croquis bien remplis, qu’elle glisse toujours précautionneusement dans son sac. C’est à partir de ces carnets que se dessinent et se tissent ses étonnantes gravures

Naoko Tsurudome, sous la finesse de son travail, élabore une œuvre personnelle et poétique, reflet de son univers singulier.

Anne-Laure CHANEY

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