Un ogre flamand de la peinture
Le décor lui semblant planté, Denis Vanthournout abandonne son verre et
s ‘amuse à jouer le rôle de guide. Il présente tour à tour dessins, peintures et sculptures peuplant chaque recoin de sa maison. Ses oeuvres bien sûr, mais aussi celles d’autres amis artistes. Il commente, glisse des anecdotes, évoque avec plaisir la genèse de ses titres à l’humour souvent décapant. Huile, acrylique, encre, terre sable et crayon.. Volume, peinture et dessin. Difficile de ne pas laisser le mot démiurge venir aux lèvresen le suivant à travers les pièces.
L’image d’un ogre flamand de la peinture se forme.
Il semble en effet toucher à toutes les techniques, avec la même passion, avec la même facilité apparente. La figuration est omniprésente ; des corps, des animaux, des portraits.. Des couleurs tranchantes, des pauses vives et tourmentées. Comment de ne pas tenter de se perdre au coeur de ses toiles, de ne pas se laisser happer par la fougue ressentie? Il se dégage une énergie, une force, une tension palpable, que la conversation avec le peintre atténue, mais peu.
Sentir son regard ciller
Il réfute, entre deux commentaires, d’une pirouette rhétorique, certaines des
critiques qui ont été formulées à l’encontre de son oeuvre ou qui continuent de l’être. « Je ne pourrais pas vivre avec ! » Au souvenir de cette remarque, qu’il mentionne à voix haute, il fronce les sourcils. Chacun expérimente la souffrance, souligne t’il et il faut bien vivre avec. Il n’approuve pas plus les remarques faites à la dureté de son oeuvre. Il n’y oppose nulle explication. Le refus est spontané et catégorique. Mais il ne cherche pas à l’étayer une autre théorie ou explication. Il préfère parler avec son bagout de la matière,
de la technique ou de l’histoire de l’oeuvre. Mais les images saisissantes qui défilent lors de cette visite expliquent cette analyse et la tendance à y accoler le terme violence. Comment ne pas sentir son regard ciller sous face à cette énergie, cette tension, cette force, avant d’y revenir, hypnotisé?
Anne-Laure CHANEY
Pour la Galerie Collégiale-Lille
(Août 2012)