« L’objectif de l’art n’est pas le déclenchement d’une sécrétion momentanée d’adrénaline mais la construction sur la durée d’une vie, d’un état d’émerveillement et de sérénité. » Glenn Gould
Alors que je débute la rédaction de ce portrait, je prête distraitement l’oreille au bureau d’à côté. Conversation téléphonique entre Véronique Dalle, responsable de la Galerie Collégiale-Lille et un homme habitant en Normandie. Ils parlent de Roch Vandromme, sculpteur animalier flamand. Son travail semble avoir séduit l’homme. C’est lui qui a pris l’initiative du contact, mais c’est elle qui raconte. Ils discutent des études préparatoires de l’artiste. Elle lui explique doucement que Roch ne prend jamais de photographies. Aux clichés, il préfère se glisser dans un pâturage, se faire oublier des vaches et croquer auprès d’elles.
Ces bribes de conversation ne sont qu’un exemple de ce qui peut se raconter au 15 rue de Seclin. Des anecdotes, des analyses, des critiques. Mais toutes se rapportent à l’art. En effet, derrière la porte de chaque galerie se cache un féru d’art, ne pouvant résister à la tentation de faire partager sa sensibilité. Sa vision de l’esthétisme. En un mot, un regard. Son regard. Appréhender la philosophie et la vision d’une galerie, c’est aussi sonder son propriétaire. Il est difficile d’évoquer la Collégiale sans parler de Véronique Dalle. Et réciproquement.
– De l’importance du regard
L’art se décline en premier lieu comme une affaire de regards. Il n’y a pas besoin d’être un fin connaisseur, au jargon bien aiguisé pour s’intéresser, porter un jugement et discourir à ce propos. La vision de Véronique Dalle est imprégnée du refus de cette opacité pédante. Regarder, c’est être curieux. C’est s’ouvrir à l’autre. Un galeriste porte un regard acéré sur ce qui se présente à ses yeux. Son métier peut s’apparenter à celui d’un guide ; mais non celui d’un mentor. Regarder nécessite néanmoins un apprentissage. A l’instar du palais qui se développe et devient plus fin avec l’âge, à force de goûter des mets variés, le regard s’aiguise à force d’écarquiller les yeux et de multiplier les occasions de s’exercer.
Au 15 rue de Seclin, chacun se voit octroyer la liberté de pouvoir voir. Etre sensible. Apprécier. Regarder, un premier pas avant d’essayer d’analyser. D’apposer des mots. Plus ou moins maladroitement, la barrière du langage reste forte.Le regard se complète aussi par les autres sens, le toucher par exemple dans le cas de la sculpture, mais il reste premier.
Anne-Laure CHANEY